FRDJ Canada s’entretient avec le Dr James Shapiro par rapport à ses espoirs pour l’avenir de la recherche sur le diabète de type 1 

Le Dr James Shapiro est un chirurgien britanno-canadien connu pour avoir dirigé l’équipe clinique qui a mis au point le protocole d’Edmonton, une procédure de transplantation d’îlots de Langerhans pour le traitement du diabète de type 1 (DT1). Le Dr Shapiro est professeur de chirurgie, de médecine et d’oncologie chirurgicale à l’Université de l’Alberta et directeur du programme clinique de transplantation d’îlots et du programme de transplantation hépatique de donneurs vivants auprès des services de santé de l’Alberta. Il est titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 1 en médecine régénérative et en chirurgie de transplantation. 

Le Dr Shapiro a obtenu son diplôme de médecine à l’université de Newcastle upon Tyne et a suivi une formation en chirurgie à l’université de Bristol. Après son arrivée au Canada en 1993, il a suivi une formation en transplantation du foie et en chirurgie hépatobiliaire à l’université d’Alberta et a obtenu un doctorat en chirurgie expérimentale. 

Le Dr Shapiro a développé une toute nouvelle approche pour optimiser la greffe de cellules d’îlots de Langerhans. Sur près de 300 greffes d’îlots tentées avant 1999, moins de 10 % fonctionnaient chez les patients. Son protocole a été conçu pour remédier à de nombreuses lacunes antérieures en transplantant un nombre suffisant d’îlots dans le foie en utilisant plusieurs donneurs, et en testant une nouvelle stratégie anti-rejet qui évite les stéroïdes comme immunosuppresseur pour permettre aux îlots transplantés de fonctionner au mieux. Le résultat est devenu internationalement connu sous le nom de « protocole d’Edmonton ». 

Le Dr Shapiro a dirigé l’équipe clinique qui a testé son approche sur sept premiers patients, dont tous (100 %) ont pu se passer d’injections d’insuline pendant plus d’un an. Il est l’auteur principal de l’article de référence publié en juillet 2000 dans le New England Journal of Medicine, qui détaille les résultats du protocole d’Edmonton.  

Au cours des 24 années qui ont suivi, le Dr Shapiro et son équipe ont réalisé cette greffe 765 fois sur plus de 300 Canadiens et continuent d’affiner et d’optimiser le protocole. Ce traitement a été reproduit à de nombreuses reprises au niveau international et plus de 2 000 patients dans le monde ont reçu des greffes d’îlots de Langerhans à partir des bases développées par le protocole d’Edmonton. 

FRDJ Canada s’est récemment entretenue avec le Dr Shapiro sur l’avenir de la recherche sur le DT1 à l’occasion de la commémoration des 50 ans de l’organisation. 

FRDJ Canada : Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans la thérapie à base de cellules souches en tant que thérapie curative potentielle pour le diabète de type 1? 

Dr Shapiro – Le diabète est une maladie biologique. L’insuline injectée dans la graisse sous la peau est un moyen chimique mais imprécis de contrôler la maladie. En remplaçant les cellules bêta du pancréas qui sont tuées ou qui ne fonctionnent pas bien, la transplantation cellulaire offre une solution biologique élégante pour lutter contre cette maladie biologique. Je suis particulièrement enthousiaste à l’égard des cellules souches, qui pourraient permettre de guérir non seulement le DT1, mais aussi tous les types de diabète. L’insuline injectée est salvatrice à court terme, mais la graisse sous-cutanée est un maillon faible de la chaîne, ne permettant pas un contrôle parfait de la glycémie. Les traitements à base de cellules souches ont le potentiel de fonctionner d’une manière qui ressemble le plus au processus de libération et de contrôle de l’insuline qui se produit d’un moment à l’autre dans un corps sain et normal. 

Cependant, à l’heure actuelle, de puissants médicaments anti-rejet sont nécessaires pour que les greffes de cellules survivent, et ces médicaments ont des effets secondaires potentiellement dangereux. Cela signifie donc qu’il ne s’agit pas actuellement d’une bonne option pour les enfants et pour de nombreux adultes. Comment pourrions-nous éviter le recours à ces médicaments en procédant à des greffes d’îlots de Langerhans à partir de cellules souches, et rendre le traitement plus sûr et plus accessible à tous? 

On peut y parvenir soit en modifiant les cellules elles-mêmes pour les aider à échapper aux attaques immunitaires, soit en recourant à différents types d’approches qui induisent ce que l’on appelle la tolérance immunologique, mais il s’est avéré par le passé que cette dernière n’était pas facile à mettre en œuvre. 

Ce qui m’enthousiasme le plus, c’est la possibilité de fabriquer des cellules personnalisées, c’est-à-dire d’utiliser les propres cellules d’un individu comme traitement. Il s’agit de l’option biologiquement la plus proche du point de vue du concept, mais la plus difficile du point de vue de la fabrication en utilisant les méthodologies actuelles – mais cela changera et deviendra beaucoup plus simple au fil du temps. Nous devons toujours traiter l’auto-immunité dans le cas du DT1, mais cela peut être réalisé soit par des médicaments biologiques, soit par une édition de gènes beaucoup plus douce. 

Je suis très enthousiaste quant aux progrès de la recherche sur le DT1, en particulier au cours des cinq dernières années. Mais je crois qu’une thérapie de guérison est réellement à notre portée. Cela nécessitera un effort de collaboration scientifique intense et un financement important, mais je crois fermement que c’est possible et que cela se produira. 

Le protocole d’Edmonton, dont vous et votre équipe êtes les pionniers, est considéré comme la première étape sur la voie d’une thérapie de guérison à base de cellules souches pour le DT1. Qu’avez-vous ressenti lorsqu’il a été démontré que les greffes d’îlots de Langerhans pouvaient aider à traiter les patients atteints de DT1 non contrôlé? 

Pour être honnête, le premier patient du protocole d’Edmonton à qui nous avons fait une transplantation, un enseignant de Yellowknife, ne m’a pas particulièrement enthousiasmé. Il faut se rappeler que près de 300 tentatives avaient été faites auparavant et que très peu avaient fonctionné. La première greffe a permis de réduire de moitié son taux d’insuline. Nous avons décidé de lui faire une deuxième transplantation et il a arrêté complètement l’insuline.  

C’était ma première année de pratique en tant que chirurgien spécialisé dans les transplantations et le foie, et nous avons lancé deux nouveaux programmes cette année-là (transplantation de pancréas et don de foie par un donneur vivant), et je ne croyais vraiment pas que les transplantations de cellules fonctionneraient. Ce n’est que lorsque le septième patient a été traité et que les sept ont été débarrassés de l’insuline que j’ai ressenti une certaine excitation. Il est clair que nous avions quelque chose de différent, quelque chose qui fonctionnait clairement, quelque chose qui était reproductible. L’enthousiasme a été retardé cependant, et la publication de l’article dans le New England Journal of Medicine a été tout un exercice de patience (de nombreuses révisions ont été nécessaires, des données supplémentaires ont été demandées, etc.), mais finalement, cela a vraiment revigoré le domaine, à la fois pour les cellules des îlots de Langerhans et pour l’avenir de la thérapie à base de cellules souches. 

Outre la recherche sur les cellules souches, quel est, selon vous, le domaine de recherche sur le DT1 qui offre le plus grand potentiel de guérison? 

La prévention du DT1 dès le début chez les enfants et les adultes les plus à risque aurait l’impact le plus important à l’avenir, en évitant le besoin de greffes. La prévention de l’auto-immunité dès les premiers stades, combinée aux techniques de différenciation des cellules des îlots de Langerhans apprises grâce à tous les travaux de recherche sur les cellules souches, pourrait être appliquée suffisamment tôt pour empêcher l’apparition du DT1. Si nous pouvons induire une régénération cellulaire du pancréas dans les îlots natifs tout en stoppant l’auto-immunité, ce serait une solution élégante pour réduire le nombre de nouveaux cas de DT1. Le défi consiste à le faire sans provoquer de pancréatite ou d’autres risques pour l’organe. Le traitement des patients et la prévention de la maladie constitueront une prochaine étape extrêmement importante. 

En ce qui concerne le diabète de type 2, les nouveaux médicaments tels que Wegovy et Ozempic, ces agonistes du GLP-1, font de véritables percées, ce qui va changer la donne pour cette maladie, en permettant de l’inverser ou de la traiter avant qu’elle ne devienne une menace pour la vie. 

La thérapie à base de cellules souches est si proche que je n’arrête pas d’y penser jour et nuit. Je vois chaque jour de nouvelles frontières dans le traitement de tous les types de diabète. 

Les choses s’annoncent bien, mais elles n’arrivent jamais aussi vite que nous le souhaitons en tant que scientifiques, et certainement pas aussi vite que les enfants et leurs parents désespérés en ont besoin. Nous avons besoin de nouvelles idées, de nouvelles ressources et de nouveaux partenariats pour y parvenir. Et je crois fermement que notre partenariat avec FRDJ Canada permettra d’atteindre cet objectif. 

Quel rôle pensez-vous que FRDJ Canada jouera au cours des 50 prochaines années (moins de 50 ans, espérons-le) en ce qui a trait à la recherche de thérapies de guérison pour le DT1? 

Étant donné que nous sommes si près du but, un nombre considérable de recherches translationnelles intensives et ciblées doivent être menées. La possibilité de produire des cellules d’îlots de Langerhans autologues (à partir de vos propres cellules sanguines) est une approche ambitieuse, difficile et coûteuse, et pour la faire progresser, nous aurons besoin d’un soutien philanthropique et industriel pour passer à l’étape suivante. Je n’arrête pas de penser à la prochaine série de sept patients, qui n’auront plus besoin d’insuline, mais plus besoin de médicaments anti-rejet. C’est ce qui arrivera grâce à FRDJ, à ses liens philanthropiques et à sa capacité à octroyer rapidement des subventions aux chercheurs qui mèneront à bien cette tâche.  

Je suis incroyablement reconnaissant à FRDJ pour son soutien, pour avoir permis les travaux qui ont abouti au protocole d’Edmonton et pour avoir fait progresser le domaine depuis lors. FRDJ a joué un rôle phénoménal en tant que défenseur, auprès des gouvernements et des patients; il s’agit d’un merveilleux partenariat qui devra se poursuivre pour nous permettre de franchir la ligne d’arrivée. 

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