Jim Beatty – vivre un diagnostic à l’âge adulte sous les projecteurs

Jim Beatty est un bénévole passionné dans la lutte contre le diabète de type 1.  Depuis de nombreuses années, Jim donne de son temps à FRDJ, devenue Percée DT1, en animant des événements et en siégeant à divers comités.

Il vit avec le diabète de type 1 depuis plus de 20 ans, à la suite d’un diagnostic reçu à l’âge adulte. Ancien journaliste, Jim dirige maintenant sa propre entreprise de communication à Victoria, en Colombie-Britannique, où il aime faire de la randonnée, pêcher et profiter de la côte Ouest avec sa famille.

Percée DT1 Canada : Pouvez-vous nous parler de ce que vous vous rappelez avant votre diagnostic?

Jim Beatty : J’étais en bonne santé, actif, et père de deux jeunes enfants. À l’époque, j’étais chef de bureau pour le Vancouver Sun, où je couvrais l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique — un poste prenant et stressant. Chaque automne, je faisais mes analyses sanguines pour surveiller mon cholestérol. Cet automne-là, tout était normal. Mais les choses ont vite changé. À l’approche de Noël, je me souviens précisément de ce matin-là — je devais aller interviewer le premier ministre (Gordon Campbell, à l’époque) pour notre discussion annuelle de fin d’année, où l’on fait le bilan de l’année écoulée et on se projette vers celle à venir, un peu comme un discours sur l’état de la province.
 
Je me suis habillé, cravate et complet, puis j’ai dit à ma femme que je ne me sentais pas bien, que je ne pouvais pas aller travailler. J’étais tellement malade, si soudainement, que ma femme a dû appeler le bureau de presse pour annuler l’entrevue à ma place.

Pendant deux semaines, je pensais avoir une vilaine grippe. Mais deux mois plus tard, j’étais constamment épuisé, je m’endormais après le souper, et j’avais une soif insatiable. Je devais aussi me lever la nuit pour aller aux toilettes. Pris séparément, ces symptômes peuvent sembler anodins, faciles à ignorer ou à expliquer.

Mais mon état ne s’améliorait pas, alors je suis allé voir mon médecin de famille. Il m’a dit de faire une analyse sanguine. Les résultats sont revenus et il m’a simplement dit : « Vous avez le diabète ». Pas type 1 — juste « diabète ». Je n’y connaissais absolument rien. Ni du type 1, ni du type 2. Il n’y avait pas de diabète dans ma famille, et à l’époque, pas de Google pour faire des recherches.

J’ai d’abord été mal diagnostiqué avec un diabète de type 2, parce qu’à 36 ans, la majorité des médecins partent de cette hypothèse. On m’a dit de modifier mon alimentation et de faire plus d’exercice. J’ai tout fait, même si je vivais déjà comme ça, en majorité, avant le diagnostic. J’ai refait une analyse de sang et le taux d’HbA1c était encore très élevé. On m’a mis sous Metformine, mais cela n’a pas fonctionné non plus. J’ai donc dû passer à l’insuline, avec de multiples injections quotidiennes. 

Je n’aimais pas les aiguilles, et je me souviens m’être assis au bord de mon lit, avec une vraie seringue, et devoir me l’enfoncer dans le ventre. Je n’oublierai jamais à quel point c’était difficile, à quel point ça me semblait intrusif. C’est en février que j’ai dit pour la première fois que j’avais le diabète, et dès l’été, j’étais sous insulinothérapie.

Percée DT1 Canada : Comment avez-vous vécu votre diagnostic?

Jim Beatty : J’ai fait tout ce que les médecins m’ont dit de faire; je ne me suis pas traîné les pieds. Mais j’ai eu l’impression qu’on m’avait volé quelque chose; j’ai eu l’impression que c’était peut-être une erreur (le diagnostic de DT1). Je me suis dit que je pourrais peut-être m’en sortir avec l’exercice ou l’alimentation, que c’était peut-être passager, un faux positif? Je doutais, et j’avais constamment cette pensée que je pourrais m’en sortir par moi-même. Mais au bout d’un moment, c’était clair que ce n’allait pas disparaître.

Malheureusement, je n’avais personne à qui en parler. Je ne connaissais personne atteint du type 1. À part mon médecin de famille, que je voyais tous les 3 ou 4 mois, je me débrouillais seul. J’aurais aimé que les soutiens qui existent aujourd’hui aient existé à ce moment-là, surtout pour les adultes.

C’était isolant, solitaire, et j’avais tellement de questions. Des choses que je considère aujourd’hui comme acquises, je ne les connaissais absolument pas à l’époque. Tout était nouveau. Je n’avais jamais manipulé une seringue. Je n’avais jamais fait de test au doigt (pour vérifier la glycémie). Je ne savais absolument pas ce que basal et bolus voulaient dire (les types d’insuline). Mon endocrinologue utilisait des termes et un langage auxquels je ne comprenais rien. C’était une période confuse et frustrante.

Au début, j’étais journaliste dans un quotidien, et j’en ai parlé à deux collègues avec qui je travaillais étroitement. Ils devaient savoir que j’avais cette condition, que je pouvais avoir besoin de sucre, que j’avais des rendez-vous médicaux fréquents. Mais je n’en ai pas parlé à la direction ni à mes supérieurs. Je me disais que ça allait nuire à ma carrière, que ce serait perçu comme une faiblesse, une vulnérabilité. Et que ça pourrait être une raison de ne pas me promouvoir au niveau suivant.

Peu de temps après mon diagnostic, je suis passé à la télévision. J’étais chef de bureau à CTV Vancouver. J’ai informé le caméraman avec qui je travaillais tous les jours, parce que, par exemple, si je lui disais que j’avais besoin de manger, c’est que j’avais besoin de manger. Ce n’était pas juste une fringale. C’était une nécessité.

Mais je n’étais toujours pas à l’aise avec mon diagnostic, et je n’en parlais pas librement, en dehors de la famille et des amis.

J’ai changé de poste à nouveau et je suis devenu chef d’antenne à CHEK News à Victoria, et ma façon de penser n’avait pas beaucoup changé. Les patrons, le directeur de l’information, la direction – aucun d’eux ne savait que j’avais le type 1. Je gardais mon diagnostic en grande partie invisible. Je présentais les nouvelles, et pendant les pauses publicitaires, j’avais une petite table à côté de moi, et je faisais un test au doigt pour voir si j’avais besoin de sucre ou pour ajuster mon insuline. Et les gens ne savaient pas que je faisais ça; tout était caché.

Puis un appel de Percée DT1 (à l’époque FRDJ) a tout changé. On m’a demandé d’animer un gala de collecte de fonds. Ils me demandaient cela parce que j’étais un animateur connu dans la communauté, mais ils n’avaient aucune idée que j’étais atteint du DT1. Cette demande m’a un peu déstabilisé, parce que je savais que si je voulais être authentique en animant un événement pour la recherche sur le diabète de type 1, ce serait malhonnête de ne pas admettre que j’en étais atteint moi aussi.

J’ai réfléchi à la demande pendant quelques jours. J’ai beaucoup ruminé sur la question de « sortir du placard », et finalement, j’ai décidé que oui, j’allais le faire. Les premières personnes à qui j’en ai parlé, ce sont mes patrons. Je leur ai dit : « Écoutez, je vais animer un événement samedi, et il se pourrait que ça devienne une nouvelle quand je vais révéler que j’ai moi aussi le diabète de type 1. »

Alors je suis monté sur scène, et j’ai essentiellement fait mon coming out — « Je ne suis pas seulement votre animateur, je suis l’un des vôtres. » Et j’ai raconté mon histoire. Ce fut une soirée formidable. Un moment très libérateur. Des gens sont venus me remercier, j’ai tout de suite ressenti du soutien. Et c’était le début de ma volonté de vivre ouvertement avec cette maladie, et de la vivre comme il le faut. Sans peur d’en parler, honnêtement, en disant si j’avais besoin d’aide. C’était un moment charnière, parce que ça m’a libéré.

Je n’avais aucun lien avec Percée DT1 (FRDJ) avant cet événement, et cela a lancé une relation qui continue encore aujourd’hui. Galas à Victoria, Vancouver, Marches, Roulons, comité de relations gouvernementales. C’était très libérateur, et ça m’a mené à des endroits inattendus.

Percée DT1 Canada : Pour vous, à quoi ressemblerait une thérapie de guérison?

Jim Beatty : Pour moi, une thérapie de guérison, ce serait quelque chose qui me rendrait la normalité. Vivre sans avoir à transporter des collations en permanence, ne pas être connecté à des appareils 24 heures sur 24, pouvoir aller marcher, randonner, ou manger une pizza, sans devoir faire tous les calculs qui viennent avec. Une thérapie de guérison, ce serait une vie où je n’ai plus à penser constamment au diabète et à toutes ses complications.  Ce serait retrouver la vie que j’avais avant. Donc oui, bien sûr, ce serait fantastique.

Cinq ans, cinq ans — toutes les personnes vivant avec le diabète vous diront qu’ils entendent « la guérison arrivera dans cinq ans » depuis des décennies. Ce « cinq ans » est un faux espoir, donc je ne le dis plus, et je ne crois plus que ce soit possible en cinq ans.

Alors quand je pense à la thérapie de guérison, je ne pense pas à « la thérapie de guérison » en soi. Je m’intéresse davantage aux traitements d’aujourd’hui qui rendent ma vie meilleure. Et il y en a tellement que j’utilise aujourd’hui, qui relevaient du rêve il y a vingt ans. Ma vie est meilleure aujourd’hui grâce aux avancées dans les traitements, et ces améliorations progressives ont fait une réelle différence. Aujourd’hui, mon A1C est meilleur que jamais dans ma vie, et c’est grâce au SGC et à la pompe à insuline, et à la manière dont ils m’aident à mieux gérer mes taux (de glycémie).

Une guérison est, pour moi, une idée lointaine, très éloignée. Je vois les traitements comme quelque chose de réel, plus proche, plus tangible.

Percée DT1 Canada : Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec la communauté du DT1?

Jim Beatty : Ce que je regrette, c’est de ne pas avoir été plus ouvert à ces discussions, de ne pas avoir été plus ouvert sur mon diagnostic, plus tôt, et de l’avoir gardé secret. En gardant ça pour moi, en gardant cet important secret sur quelque chose d’aussi important dans ma vie — à l’époque, je pensais que c’était la bonne chose à faire. Mais maintenant, je sais que ce n’était pas le cas. J’aurais pu apprendre plus, avoir plus de soutien, et mon parcours aurait été plus simple et plus facile, bien plus tôt.

Alors sachez que vous n’avez pas à vous sentir isolé·e. Vous pouvez être ouvert·e; vous pouvez demander de l’aide. Acceptez cette aide. Et sachez que la vie est belle aujourd’hui. 

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