Kendra Fisher : briser le silence sur les défis émotionnels d’être parent aidant d’un enfant atteint de diabète de type 1 

Kendra Fisher est une ancienne membre du programme de hockey de l’équipe nationale canadienne, triple championne mondiale de hockey en ligne, et pompière. Elle est aussi fondatrice de Mentally Fit, conférencière professionnelle, coach en santé mentale et future autrice. Kendra est peut-être surtout connue pour sa carrière en hockey, mais aussi pour avoir pris la décision de se retirer de son rêve de jouer pour Équipe Canada afin de gérer plusieurs diagnostics : trouble d’anxiété généralisée, trouble panique, dépression clinique, agoraphobie et trouble obsessionnel compulsif (TOC). 

Kendra a toujours fait preuve d’une grande ouverture à propos de son parcours avec la maladie mentale, et d’une profonde vulnérabilité en parlant de la perte de son fils River à 32 semaines de grossesse. Lorsque son fils Bodhi était tout-petit, il a reçu un diagnostic de diabète de type 1 (DT1). Aujourd’hui ambassadrice de Percée DT1 Canada, Kendra est aussi très impliquée dans la Marche Percée DT1 à Toronto. Elle a récemment discuté avec notre équipe pour partager comment sa famille a vécu le diagnostic de Bodhi — dans un contexte de deuil périnatal et au cœur de la pandémie. 

Percée DT1 Canada : Pouvez-vous nous parler du moment où Bodhi a reçu son diagnostic? 

Kendra : 

C’était en pleine pandémie de COVID, donc tout était déjà intense et bouleversant. Je travaillais comme pompière à temps plein, dans un environnement à haute pression. Heureusement, l’autre maman de Bodhi, Kristy, est très intuitive. Elle a vite remarqué que quelque chose n’allait pas. 

Bodhi buvait sans arrêt. Il passait d’un verre à l’autre, buvait l’eau de tout le monde. Au début, on ne s’est pas trop inquiétées. La soif, seule, ne semblait pas alarmante. Mais il trempait complètement ses couches. On a commencé à en mettre deux, à ajouter des protège-matelas, à essayer plein de trucs — rien ne fonctionnait. 

Kristy répétait que c’était sûrement plus grave. Ayant déjà perdu un enfant, j’étais convaincue qu’on était simplement trop vigilantes, qu’on cherchait des problèmes là où il n’y en avait pas. Mais un matin, Bodhi a décidé qu’il n’utiliserait que le petit pot. À 11 h, il l’avait déjà rempli dix fois. Kristy m’a écrit pendant que je finissais mon quart de travail pour dire qu’elle l’emmenait à la clinique d’urgence de St. Joe’s. 

Avec juste ces deux symptômes, ils ont vérifié sa glycémie… et elle était incroyablement élevée. Ils nous ont dit qu’il était probablement en acidocétose (DKA) et qu’il fallait soit l’hospitaliser tout de suite, soit l’amener en ambulance à l’hôpital Sick Kids pour commencer le traitement. 

À cause des mesures sanitaires liées à la COVID, un seul parent pouvait entrer. Kristy est allée avec lui pendant que j’attendais dehors. Je n’oublierai jamais cet appel. Kristy pleurait. Elle m’a dit que le médecin allait venir me voir dans le hall pour me permettre d’entrer. C’est là qu’on m’a dit, en face à face : « Il a le diabète. » Sick Kids allait prendre en charge ses soins. 

Ce qui était surréaliste, c’est que ses seuls symptômes étaient la soif excessive et la miction fréquente. Il était encore le même petit garçon heureux, curieux, énergique. On lui a mis une intraveineuse tout de suite, puis on a commencé l’insuline. Tout s’est enchaîné à une vitesse folle, on essayait de comprendre ce qui se passait alors qu’on était en état de choc. 

Ils ont ensuite obtenu une lecture plus précise des cétones et, miraculeusement, Bodhi n’était pas en DKA complète. Ils l’ont appelé un « guerrier ». Il avait bu assez d’eau pour éliminer une bonne partie des cétones. À 18 h ce même jour, on nous a dit qu’on pouvait le ramener à la maison. 

En tant que pompière, ma seule expérience du diabète, c’était en situation de crise. De ce point de vue-là, ça ne semblait pas possible que ce soit sécuritaire de le ramener à la maison. Mais c’était le premier jour de notre nouvelle vie . 

Et tout cela, on l’a vécu en isolement. Un seul parent aux rendez-vous. On venait de perdre River. On avait notre fils aîné, Finley, qui avait cinq ans à l’époque, et la dernière fois qu’on était allées à l’hôpital pour son petit frère, on était revenues sans bébé. Il avait tellement peur. Peur pour son frère. En famille, il a fallu se diviser. Le lendemain, Bodhi entrait déjà à la clinique de diabète de Sick Kids, et nous plongions dans un monde qu’on ne connaissait pas encore. 

Percée DT1 Canada : Que souhaitez-vous que les autres parents comprennent à propos du DT1? 

Kendra : 

Je crois sincèrement que les gens ont de bonnes intentions quand ils réagissent en apprenant le diagnostic de Bodhi. Ils veulent aider, faire preuve de gentillesse, être présents. Mais beaucoup confondent le diabète de type 1 avec le type 2. On a reçu beaucoup de conseils bien intentionnés, mais mal informés. Des gens nous disaient que tout irait bien si on supprimait le sucre ou la malbouffe. Un ami lui a donné une pomme au lieu d’un bonbon sans réaliser que je n’avais pas compté les glucides, et que ce n’est pas parce que c’est santé que ça ne compte pas. 

D’autres nous ont suggéré des régimes comme le keto, disant qu’il n’aurait plus besoin d’insuline. Même si ces suggestions partent d’une bonne intention, ça devient épuisant de toujours devoir corriger — surtout quand nous-mêmes, on essaie encore de comprendre. 

Même les gens qui connaissent bien le DT1 peuvent nous bombarder avec trop d’information. Au début, j’avais l’impression qu’il n’y avait nulle part où atterrir doucement. Aucun point de départ clair. Ce diagnostic n’affecte pas juste ton enfant : il transforme toute la dynamique familiale. 

Finley est un grand frère formidable. Patient, gentil, compréhensif. On est passé d’un garde-manger libre à des armoires verrouillées. Son horaire de repas a dû s’adapter à celui de Bodhi. Mais c’est un défi, trouver l’équilibre entre répondre aux besoins d’un enfant avec le DT1 tout en restant présent·e pour l’autre. 

Percée DT1 Canada : Qu’avez-vous appris depuis ces premiers jours? 

Kendra : 

J’ai appris qu’il faut éviter de trop s’accrocher à la pensée positive toxique. Au début, je voulais toujours relativiser : « Au moins, on a des SGC, des pompes, de bons médecins. » Et tout cela est vrai. Mais il fallait aussi que je laisse de la place pour l’honnêteté. 

Avec ma perspective en santé mentale, j’ai compris qu’il faut pouvoir dire : « Des fois, c’est dur. » Bodhi n’a pas toujours envie de se sentir différent. De devoir demander à un parent de calculer les glucides parce qu’un ami lui offre une collation. De gérer ses doses d’insuline à une fête. Être sous les projecteurs en permanence, c’est lourd pour un enfant. 

Et comme parent, c’est difficile de savoir qu’il vivra des choses que je ne pourrai jamais vraiment comprendre. Mais on est là avec lui. On l’écoute quand il dit que c’est difficile, que ça fait mal, qu’il est frustré. On n’essaie pas de réparer. On lui montre juste que c’est correct de se sentir comme ça. 

Au début, je n’acceptais pas ce que ça voulait dire, être son aidante. La fatigue décisionnelle est bien réelle. Toujours faire des calculs : Fait-il chaud dehors? Va-t-il bouger beaucoup? Quel est le ratio de glucides? À quel moment la glycémie va-t-elle remonter?  Quel est le facteur de correction? Ce ne sont pas des questions que les autres parents se posent avant de sortir. 

On donne à Bodhi la permission de tout ressentir. D’être déçu. D’être triste. On ne minimise pas son vécu. Ce n’est pas à nous de le faire. Et ça ne l’aiderait pas à se sentir moins seul. 

Percée DT1 Canada : Avez-vous des réflexions finales à partager? 

Kendra : 

On est extrêmement reconnaissantes pour la recherche, la technologie et les équipes médicales qui nous soutiennent. Tout cela rend la gestion du DT1 plus possible que jamais. 

Mais on vit un jour à la fois, avec honnêteté. 

(Au cours de la conversation, Kendra reçoit un message de l’enseignant·e de maternelle de Bodhi.) 

Kendra : 

J’ai vu le message, et mon cœur a fait un bond. Il s’avère qu’un autre enfant l’avait frappé à l’épaule. L’enseignant·e voulait simplement m’en informer et avait aussi prévenu les autres parents. J’ai pris une grande respiration et je me suis dit : il est debout, il va bien. On a gagné aujourd’hui. 

C’est comme ça qu’on avance. 

Une respiration à la fois. 

Un moment à la fois. 

Pour en savoir plus sur Kendra Fisher et découvrir son balado : https://kendrafisher.com/ 

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