Karoliina Tuomela est chercheuse postdoctorale au Centre d’excellence FRDJ de l’Université de la Colombie-Britannique et première récipiendaire d’une bourse J. Andrew McKee sur le diabète de type 1 (DT1), financée conjointement par FRDJ Canada et le Réseau de cellules souches (RCS) basé au Centre d’excellence FRDJ de l’Université de la Colombie-Britannique. FRDJ a eu le plaisir de communiquer avec la Dre Tuomela pour la féliciter pour sa nouvelle bourse et parler de la suite.
Parlez-moi un peu plus de votre parcours.
« Je suis venue du Royaume-Uni au Canada, à Vancouver. J’ai fait mes études de premier cycle en sciences biomédicales à l’Université d’Aberdeen, puis j’ai déménagé à Manchester pour me lancer dans la recherche sur le cancer. Ils ont là-bas un centre de recherche sur le cancer vraiment fantastique. J’y ai fait ma maîtrise en oncologie, puis mon doctorat en recherche sur le cancer, et je me suis concentrée sur la façon dont la radiothérapie affecte l’interaction des cellules immunitaires avec les cellules cancéreuses. Ce que j’ai retenu de la maîtrise, de mon doctorat et du travail de recherche, c’est ce désir de comprendre comment les cellules immunitaires interagissent entre elles, comment elles interagissent avec d’autres cellules, et comment ces interactions s’accordent et permettent le fonctionnement des cellules immunitaires. »
Qu’est-ce qui vous a amenée à Vancouver?
« Je voulais m’éloigner un peu du cancer et comprendre le système immunitaire dans différents contextes. Je suis donc venue à Vancouver, en Colombie-Britannique, dans le laboratoire de la Dre Megan Levings, où elle travaille sur les lymphocytes T régulateurs (Treg). Je n’avais jamais travaillé sur les lymphocytes T auparavant, j’ai donc appris beaucoup de choses. C’est formidable d’avoir une nouvelle perspective sur l’immunologie et d’avoir de nouvelles idées. »
Qu’est-ce qui vous a attirée vers le diabète de type 1?
« Cette maladie a des effets tellement profonds sur la vie des patients, dès les premières années pour certains enfants. Et c’est fantastique de travailler dans un domaine où il y a tellement de potentiel de voir mes recherches engendrer des retombées cliniques, mais aussi de vraiment transformer la vie de quelqu’un dès le plus jeune âge. Je trouve très intéressant de travailler dans le domaine du diabète de type 1. C’est vraiment encourageant et motivant. »
Sur quoi comptez-vous travailler au Centre d’excellence FRDJ de l’Université de la Colombie-Britannique?
« Je travaille sur les lymphocytes T régulateurs (Treg). Notre objectif consiste à développer des Treg utilisables en thérapie cellulaire adoptive. Nous pouvons donc prendre ces Treg, qui sont un sous-ensemble de cellules T immunosuppressives, les prélever chez une personne et les développer dans notre laboratoire. L’objectif consiste ensuite à les réinjecter à un patient pour qu’ils suppriment la réponse immunitaire impliquée dans le diabète de type 1. C’est donc l’objectif général du laboratoire. Mon travail consiste à étudier le métabolisme de ces Treg sur lesquels nous travaillons et à les configurer pour qu’ils réagissent mieux dans le microenvironnement pancréatique.
Actuellement, nous comptons sur des médicaments immunomodulateurs ou immunosuppresseurs très puissants pour traiter de nombreuses maladies auto-immunes, mais ces médicaments ont un effet considérable sur le bien-être et la santé d’un patient. Le but ultime est de s’éloigner de l’utilisation de médicaments immunosuppresseurs et de pouvoir cibler la réponse impliquée dans le diabète. C’est pourquoi nous concevons des Treg pour cibler spécifiquement la réponse immunitaire qui tue les cellules bêta dans le corps. »
Quel effet la bourse FRDJ-RCS aura-t-elle sur vos recherches?
« Le financement lui-même est vraiment incroyable. Malheureusement, les recherches coûtent cher, et nous avons besoin de dons et de financement. C’est vraiment formidable que FRDJ et le RCS aient décidé d’investir spécifiquement en moi. Je pense que c’est très encourageant. Mais FRDJ et le RCS sont aussi d’énormes réseaux de chercheurs et de scientifiques de partout au pays, sur le continent et dans le monde. Chaque fois que vous commencez à rassembler des scientifiques, en particulier dans différents domaines de recherche – je suis immunologue, mais je travaille avec des biologistes spécialistes des cellules souches et avec des cliniciens –, et lorsque vous réunissez tous ces points de vue comme le fait FRDJ de manière unique, je pense qu’il y a tellement de possibilités d’apprendre et de créer ces réseaux qui soutiennent vraiment la recherche. Je pense que beaucoup des recherches les plus passionnantes proviennent de collaborations entre différents domaines. »
Qu’est-ce que vous aimeriez que plus de gens sachent sur votre domaine?
« Je pense qu’il peut être difficile de comprendre de l’extérieur à quel point la recherche est sinueuse. À quel point le parcours serpente. Ce n’est pas une ligne droite qui part d’une hypothèse, qui mène à faire des expériences et à découvrir la vérité. Vous arrivez parfois à des impasses, même si quelque chose semble très prometteur, et vous pouvez parfois trouver des choses en désaccord et vous devez comprendre pourquoi.
Et parfois, il est facile de regarder les gros titres dans les journaux et les articles qui nous donnent en quelque sorte ce sens de la réalité, [mais] cette découverte peut être surfaite ou exagérée, et cela peut alors être vraiment décourageant quand vous voyez un autre titre qui vous donne des informations contradictoires. Et ce ne sont pas les scientifiques qui prétendent que leur travail est meilleur qu’il ne l’est. Ce ne sont pas les scientifiques qui mentent sur leur travail. C’est ainsi que la science fonctionne. Elle mène parfois à des informations contradictoires, mais, en fin de compte, l’objectif de tous ceux qui travaillent en science est de découvrir la vérité. Parfois, vous reculez de quelques pas. Parfois, les scientifiques publient des informations, puis, quelques années plus tard, ils peuvent découvrir qu’il y avait un défaut et publier alors quelque chose d’éventuellement différent, et c’est tout à fait normal en science. Mais cela n’enlève rien, selon moi, à la fiabilité de la science ou à la confiance que nous pouvons accorder aux scientifiques et à la médecine. Cela fait simplement partie du processus. »
Quels ont été les défis les plus surprenants de votre recherche ou de votre carrière?
« Je pense que ce qui m’a surprise en passant de mes études de premier cycle à la recherche réelle, c’est la quantité de travail d’équipe incessant. Pendant vos études de premier cycle ou lorsque vous retournez à l’école, on vous dit “faites juste votre travail et tout ira bien; concentrez-vous sur ce que vous faites vous-même”. Mais en fait, vous entrez dans le domaine de la recherche, et c’est un travail d’équipe. Vous devez travaille ensemble. Vous devez partager vos données et vos idées, et c’est de là que viennent les meilleures recherches, c’est grâce au travail d’équipe. Avant de me lancer dans la recherche, je pense que je n’étais pas consciente à quel point la recherche repose sur le travail d’équipe. Mais cela a été un plaisir absolu de développer beaucoup de ces compétences en communication. Beaucoup de ces compétences en travail d’équipe qui sont nécessaires dans la recherche, pour faire de la bonne recherche.
Je pense que les gens imaginent les scientifiques comme des personnes solitaires, toujours seules dans leur laboratoire à faire leur travail. Et ce n’est pas cela du tout; il arrive parfois que vous soyez seul au laboratoire à minuit, mais de façon plus générale, vous ne pouvez pas travailler seul. »
Dans le même ordre d’idées, en quoi le Centre d’excellence FRDJ et ces possibilités de collaboration influent-ils sur votre travail en ce moment, sachant que vous venez dans un laboratoire de recherche sur le diabète de type 1 avec une formation en oncologie?
« J’ai beaucoup appris au cours des derniers mois. Je n’avais évidemment pas travaillé sur le diabète avant d’arriver au laboratoire de la Dre Levings, donc je continue d’apprendre sur la biologie du diabète, sur la façon dont il est traité et sur ses effets sur les patients. L’auto-immunité est presque à l’opposé du spectre du cancer à bien des égards, il a donc été difficile d’en apprendre la biologie, mais j’ai eu tellement d’aide. Il y a un énorme réseau ici, et je sais que je peux me tourner vers différentes personnes qui ont une expertise dans les domaines où j’en ai particulièrement besoin. Parce qu’en fin de compte, nous avons tous le même objectif et nous travaillons tous pour potentiellement combiner ce sur quoi nous travaillons à l’objectif final. Je travaille sur l’immunologie, d’autres travaillent sur les cellules souches, et l’objectif final consiste vraiment à combiner ces travaux à l’avenir. »
Quels sont certains des aspects que vous préférez dans votre travail de chercheur?
« Aussi simple que cela puisse paraître, ce que je préfère c’est regarder au microscope les cellules immunitaires, regarder comment elles se déplacent, comment elles interagissent, car cela montre à quel point notre corps est complexe. Si le simple fait de prélever quelques cellules de notre corps et de les regarder au microscope est à ce point intéressant et complexe, à quel point l’ensemble de notre corps est-il complexe? Je trouve donc vraiment passionnant le simple fait de peu à peu réduire cette complexité. »
Qu’est-ce qui vous intéresse ou vous passionne en dehors de vos recherches?
« J’adore faire de l’escalade en montagne et de la randonnée, et je suis heureuse à l’idée de sortir dehors. J’aime m’éloigner des affaires et ressentir vraiment l’ouverture et cette sérénité que procurent les montagnes et la nature. »